LA PROTECTION CONTRE LA CHALEUR, UNE NÉCESSITÉ POUR LES JOUEURS

Par Manal Azzi

Le même jour, le Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, a lancé un appel à l'action : « Nous avons besoin des mesures pour protéger les travailleurs sur la base des droits de l'homme ». Les faits sont clairs. Chaque année, plus de 2,4 milliards de travailleurs sont exposés au soleil et à la hausse des températures. Près de 19 000 travailleurs meurent d'un cancer de la peau sans mélanome, tandis que 22,85 millions d'autres souffrent de diverses blessures sur le lieu de travail. Comme le souligne notre rapport, les sportifs, y compris les footballeurs professionnels, exercent l'une des professions les plus exigeantes sur le plan physique. Ils ont besoin d'une protection et ils en ont besoin maintenant. Le danger commence avec la chaleur excessive : augmentation de la température de l'air et souvent de l'humidité. Au cours de l'été européen actuel, par exemple, les footballeurs jouent dans des conditions plus chaudes qu'il y a dix ans. En juillet dernier, alors que la température dépassait les 40 degrés dans la capitale roumaine Bucarest, le syndicat des joueurs et la ligue professionnelle ont décidé de modifier l'heure du coup d'envoi et d'introduire des pauses de rafraîchissement.

Les athlètes sont particulièrement vulnérables pour une raison simple : la chaleur qu'ils génèrent eux-mêmes. En se dépensant sur le terrain, souvent pendant 90 minutes ou plus, les footballeurs produisent de la chaleur métabolique. Plus ils courent dur et longtemps, plus la chaleur est importante et plus le risque est élevé. Dans ces conditions, les joueurs sont exposés au stress thermique et à ses effets néfastes. Ceux-ci peuvent aller des symptômes bénins, tels que la fatigue et les vertiges, à des risques graves d'épuisement, de coup de chaleur et de troubles des fluides, en passant par des affections à long terme, qui raccourcissent la vie, telles que les maladies cardiovasculaires et le cancer. Mais les risques ne s'arrêtent pas là. Comme tous les sportifs, les footballeurs sont soumis à une pression psychologique intense. Poussés à donner le meilleur d'eux-mêmes, ils jouent parfois contre la douleur, ignorent les signaux de danger et gardent leurs doutes pour eux. Une charge de travail toujours plus importante ne fait qu'accroître le risque : plus de matches, moins de repos et des pauses plus courtes entre les saisons laissent présager un stress encore plus grand. Comme les footballeurs disputent davantage de tournois dans la chaleur de l'été, ils sont plus vulnérables à la fatigue, aux blessures, à l'anxiété et à la dépression.

La nécessité d'une réglementation appropriée, dans le cadre d'une culture plus large de respect de la santé et de la sécurité, n'a jamais été aussi urgente. L'Organisation internationale du travail œuvre depuis plus d'un siècle à l'amélioration des conditions de travail. Notre vision est claire : un travail décent pour tous les êtres humains. En tant qu'agence spécialisée des Nations unies, nous sommes au service de 187 États membres dans le monde entier. S'appuyant sur des décennies de recherche et d'élaboration de politiques, nous avons développé un ensemble de lois et d'orientations qui protègent tous les travailleurs contre les conditions météorologiques extrêmes et les risques émergents de notre crise climatique. Nos conventions fondamentales déclarent que tous les athlètes professionnels ont droit à une protection ; tous ont droit à la santé et à la sécurité sur le lieu de travail. Notre convention sur la sécurité et la santé au travail souligne que la prévention et la précaution sont vitales. Nous définissons la santé sur le lieu de travail non seulement comme « l'absence de maladie ou d'infirmité », mais aussi comme « les éléments physiques et mentaux qui influent sur la santé et sont directement liés à la sécurité et à l'hygiène sur le lieu de travail » . En d'autres termes, nous avons tous le droit fondamental de nous sentir en sécurité sur notre lieu de travail.

La convention invite les employeurs à veiller à ce que le lieu de travail ne présente aucun risque pour la santé des travailleurs. Les lois ne suffisent jamais. La manière dont les organisations choisissent de les mettre en œuvre - par le biais de leurs institutions, de leur culture et de leurs règles - est fondamentale pour la bonne gouvernance. Dans cet esprit, les employeurs devraient fournir aux athlètes et à leurs représentants des informations adéquates, une formation appropriée et la possibilité de poser des questions et de participer à la prise de décision. Les employeurs devraient écouter ce que les athlètes ont à dire. En bref, notre convention défend les valeurs et les principes de la gouvernance collective, où les travailleurs et leurs employeurs partagent une vision du lieu de travail et des moyens d'en améliorer les conditions. Le dialogue est essentiel. En 2022, l'OIT a offert son soutien et ses conseils lorsque la FIFPRO et le Forum mondial des ligues ont négocié le premier accord mondial du travail dans le football professionnel. C'est à notre siège de Genève que les deux partenaires ont effectivement signé un nouveau contrat social, dans lequel la dignité et les droits de chaque travailleur sont garantis par la gouvernance collective. Ils ont fondé une nouvelle institution démocratique pour incarner ce contrat, et l'OIT se réjouit du travail à venir. L'accord fait écho à l'une des conclusions de notre nouveau rapport sur la chaleur : le dialogue social doit être la base de l'action.

Les travailleurs et leurs représentants doivent être impliqués dans les décisions qui conduisent à un lieu de travail plus sain et plus sûr. Alors que notre monde se réchauffe, apportant de nouveaux risques sur le terrain de football, le lieu de travail de dizaines de milliers de footballeurs à travers le monde, la gouvernance collective laisse entrevoir un avenir meilleur. Elle représente une opportunité pour les travailleurs et leurs employeurs de s'asseoir à la même table, avec la tête froide et l'esprit clair, pour gérer ensemble les risques de notre crise climatique.